L’Indice de situation sociale de la Wallonie (ISS) est un indicateur complémentaire au PIB qui dresse le bilan du progrès social de la Wallonie en comparaison avec l’évolution du PIB par habitant (mesure étalon du progrès économique) sur une période de dix-neuf années. Cet indice synthétise un ensemble d’indicateurs clés regroupés au sein de dimensions représentatives des conditions de vie et des déséquilibres socio-économiques au sein de la population wallonne.
Cette édition 2023 de l’ISS montre qu’entre 2004 et 2021, en tendance générale, la situation sociale globale en Wallonie s’est légèrement améliorée puisque l’indice a évolué jusqu’à 102,2 en 2021 (base 100 = 2004). Comparativement, l’évolution du PIB par habitant marque une nette progression qui le porte à 114,2 en 2021.
Toutefois, l’examen distinct des composantes « état » et « déséquilibres socio-économiques » de l’ISS montre qu’en perspective temporelle, l’amélioration de la situation sociale moyenne des Wallon.nes est allée de pair avec une augmentation des inégalités sociales, et ces inégalités se sont renforcées à partir de 2016. En d’autres termes, l’amélioration de la situation sociale de la Wallonie s’est faite aux dépens des groupes sociaux les plus fragilisés.
Un éclairage nuancé sur les tendances observées
L’examen de l’évolution par dimension des indicateurs clés qui composent l’ISS apporte un éclairage nuancé sur les tendances observées. Par exemple :
- Au niveau du revenu : une augmentation du revenu disponible par habitant mais un appauvrissement des jeunes (18-24 ans) de plus en plus nombreux à devoir bénéficier de l’aide du CPAS ;
- Au niveau de l’emploi : une progression du taux d’emploi et du salaire médian, mais une forte augmentation des travailleurs en incapacité de travail de longue durée (burn-out, dépression) et un renforcement de l’écart relatif des taux d’emploi entre les travailleurs faiblement diplômés et les travailleurs hautement diplômés.
- Au niveau de la santé : une réduction du nombre d’années de vie perdues et une réduction de l’écart relatif entre les taux de mortalité des bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM) et des non-bénéficiaires du BIM, mais une augmentation des maladies chroniques.
- Au niveau du logement : un accès de plus en plus difficile au logement pour les publics précarisés et une aggravation de la précarité énergétique.
- Au niveau des valeurs : une progression de la solidarité / générosité des Wallon.nes mais une réduction récente de la satisfaction de vie.
Au-delà des indicateurs, quels impacts des crises sur la vie des Wallon·nes ?
L’ISS offre un cadre statistique de référence qui est étayé dans ce rapport par un travail d’investigation qui mobilise de nombreuses études scientifiques et contributions d’acteurs multisectoriels, enrichies par l’apport de 17 entretiens approfondis auprès de représentants de l’action sociale et judiciaire.
L’objectif est de nuancer et de compléter l’approche synthétique de l’ISS, notamment par la prise en considération de populations qui échappent aux indicateurs construits à partir d’enquêtes générales, ou encore de populations qui, en raison de leur situation de désaffiliation sociale, passent sous les radars de la statistique.
La santé mentale de la population wallonne est rudement mise à l’épreuve. Sur le terrain, la situation est jugée très préoccupante par les professionnels en raison notamment de la saturation des services de santé mentale
La question cruciale de l’accès financier aux soins de santé est au centre des préoccupations dans les milieux de la santé. En 2022, 1 personne sur 3 a renoncé à au moins un soin pour des raisons financières et le renoncement a augmenté dans toutes les disciplines. La dépression et ses déterminants exercent une forte influence sur le renoncement aux soins.
Sur le marché du travail, trois problématiques majeures attirent l’attention. (1) la pénurie structurelle d’emplois dans différents secteurs d’activité alerte sur des tensions croissantes sur le marché du travail. Une large part des vacances d’emploi est liée à l’orientation scolaire. (2) La problématique des pièges à l’emploi alerte sur la précarisation d’une partie des travailleurs pour qui le revenu du travail n’assure plus une vie décente. (3) l’augmentation des incapacités de travail de longue durée, majoritairement pour raison de burn-out et de dépression, alerte sur le défi de l’accroissement de la participation au marché du travail d’ici 2025. De plus en plus d’études soulignent le lien entre stress, conditions de travail, manque d’intérêt pour le travail d’une part, et incapacité de travail d’autre part.
Sur le marché immobilier, la hausse des loyers sur le marché locatif privé, conjuguée à l’insuffisance du nombre de logements sociaux et à l’augmentation du nombre de candidats répondant aux critères pour en bénéficier, menace l’accès au logement des publics précaires et rend difficile une vie décente pour les ménages bénéficiant du minimum social. Les publics précarisés se retrouvent de plus en plus nombreux dans des situations de mal-logement.
Les inondations de juillet 2021 ont fait émerger des situations de grande précarité de locataires occupant des logements insalubres mis en location par des marchants de sommeil qui se dédouanent de toute responsabilité. Par ailleurs, le nombre de logements financièrement accessibles a encore diminué après les inondations en raison notamment de la destruction de logements sociaux et de l’augmentation du loyer dans le secteur privé dans les zones sinistrées et celles proches des territoires inondés.
La vulnérabilité énergétique affecte un grand nombre de ménages wallons : plus d’un ménage sur cinq est touché en 2021 par l’une ou l’autre forme de précarité énergétique selon le dernier baromètre de la précarité énergétique de la Fondation Roi Baudouin (2023).
L’augmentation des multiples formes de précarité et des demandes d’aides sociales complémentaires à l’aide financière octroyée par les CPAS (aide alimentaire, aide médicale non urgente, aide administrative, aide aux enfants, médiation de dettes, énergie, logement, aide psychologique …) alerte sur une potentielle dégradation financière pour de nouveaux profils de personnes : indépendants, travailleurs à temps partiel, familles monoparentales, pensionnés, étudiants et jeunes qui entrent dans la vie active.
La dématérialisation des services et l’extension du télétravail dans les services accentuent la précarité numérique et le risque de rupture institutionnelle d’une frange de la population. La digitalisation des services publics et privés s’est accompagnée d’un transfert de tâches autrefois prises en charge par les secteurs aujourd’hui dématérialisés vers les services sociaux. En ce sens, la digitalisation a occasionné une surcharge et une transformation du travail social. Cette transformation s’accompagne d’une pénurie d’emploi dans le secteur de l’aide sociale, génératrice d’épuisement et de quête de sens des travailleurs sociaux.
Le choc pandémique et sa gestion, conjugués aux crises et transformations qui lui ont succédé, ont aggravé la fragmentation de la société wallonne entraînant une méfiance accrue des personnes et groupes sociaux les uns envers les autres et une défiance à l’égard des institutions et des politiques. Cette défiance est multidimensionnelle : elle concerne tout à la fois la compétence, l’éthique et la capacité à protéger. Ajouté à cela, le fait que le contexte social « archipellisé » rend compliquée toute mobilisation pour agir.
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Aurélie Hendrickx, chargée de communication
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