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L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) publie aujourd’hui son rapport « Lutter contre la pauvreté des enfants en Wallonie : rétrospective, scénarios à l’horizon 2050 et enjeux stratégiques». Cette étude prospective, réalisée à la demande du Gouvernement wallon, fruit d’une collaboration entre l’IWEPS et l’AVIQ, décrit quatre futurs possibles de l’action publique de lutte contre la pauvreté des enfants à l’horizon 2050. Ces scénarios, co-construits avec des experts et des acteurs de terrain, présentent à la fois une trajectoire d’évolution du contexte global pour la Wallonie et le type d’action publique de lutte contre la pauvreté des enfants qui pourrait s’y déployer. Enfin, cette étude développe six enjeux et domaines d’action permettant au Gouvernement et aux acteurs de développer une action stratégique basée sur l’analyse prospective.

À la croisée des politiques des droits de l’enfant et de lutte contre la pauvreté, l’action publique de lutte contre la pauvreté des enfants associe des acteurs publics et associatifs de tous niveaux de pouvoir et traverse différents domaines (politique de l’enfance, politiques sociales, politique scolaire…). Elle vise à agir sur l’état de privation matérielle des enfants et sur les difficultés d’accès à leurs droits fondamentaux. Depuis la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant en 1992, jusqu’à la mise en œuvre de la garantie pour l’enfance en 2022, cette politique s’est progressivement constituée en paradigme d’action publique, dont cette étude reconstitue les étapes et questionne les implicites.

Une analyse prospective exploratoire et participative

Pour imaginer les futurs possibles de long terme de la lutte contre la pauvreté des enfants, l’étude prospective a privilégié une méthode de scénarisation participative. Celle-ci a mobilisé une grande diversité de parties prenantes des politiques considérées, ainsi qu’un panel d’experts scientifiques du contexte socio-économique.

Quatre scénarios ou « futurs possibles » pour 2050

Le résultat de ce travail de co-construction consiste en quatre scénarios à l’horizon 2050 : quatre trajectoires d’évolution possible du contexte global pour la Wallonie et des formes que pourrait y prendre l’action publique de lutte contre la pauvreté des enfants. Chacune de ces configurations apparaît déterminée par l’état futur des relations entre le modèle économique et la forme prise par l’État social avec, en toile de fond, le rôle structurant des effets des changements climatiques et environnementaux sur les inégalités (sociales, environnementales, scolaires, de santé…).

Dans le scénario 1, « Un État social «?hyperactif?» : une enfance protégée dans une Wallonie précarisée », l’État social voit son budget limité. Il doit prioritairement recentrer ses dépenses sur la gestion des multiples crises (sanitaires, sociales, écologiques, économiques…) issues du réchauffement climatique (pandémies, inondations, sécheresses, migrations climatiques massives,..). L’action de l’État se focalise sur des publics cibles, dont font partie les enfants. Dans ce contexte, la prévention du risque de pauvreté des enfants de la classe moyenne, mise sous pression, devient un élément central de l’action publique, au détriment du champ des politiques de lutte contre la pauvreté. Les personnes adultes en situation de pauvreté sont davantage stigmatisées, associées à une «?génération perdue?» : l’État tente de sauver leurs enfants en les extrayant de leur milieu familial et en les confiant de façon plus systématique à des milieux d’accueil.

Dans le scénario 2, « Un État sponsor d’une économie responsable : l’enfance, capital humain d’une Wallonie qui investit dans son avenir », l’État social joue un rôle central dans la redistribution des fruits d’une croissance centrée sur les «?technologies vertes?». Il dispose de ressources suffisantes pour financer les politiques de lutte contre la pauvreté des enfants, que cela soit, par exemple, par l’investissement dans la petite enfance, qui permet à chaque enfant à partir de ses trois mois d’accéder à un système de garde de qualité?; par la revalorisation des filières techniques et professionnelles, permettant la formation d’une main-d’œuvre qualifiée aux nouveaux métiers des transitions numériques et énergétiques?; ou, par le développement de structures d’accueil parascolaires, centrées sur le développement de compétences pertinentes pour la double transition technologique et climatique.

Dans le scénario 3, « Vers un nouveau contrat social-environnemental : des enfants encapacités dans une Wallonie transformée », l’État joue un rôle de coordinateur des actions qui permettent le développement du bien-être et de la «?pleine santé?» de sa population, l’accès aux droits fonda-mentaux et la préservation de l’environnement. Il s’agit pour lui de faciliter les processus qui ren-forcent les capacités d’adaptation des populations aux différentes crises générées par les chan-gements climatiques et environnementaux. La politique scolaire et la politique de santé publique deviennent prioritaires dans l’action de l’État. Ces politiques sont organisées d’une façon transversale et décentralisée, avec le concours d’une multitude d’acteurs relevant des secteurs publics, privés et associatifs. Dans ce contexte, la pauvreté des enfants est pratiquement inexistante, car le système de protection sociale leur permet d’acquérir les compétences et capacités nécessaires à l’adaptation aux différentes crises écologiques qui se multiplient et s’intensifient. En outre, la relocalisation du système économique et le développement de différentes formes de solidarités garantissent une forte intégration sociale ainsi qu’une sécurité dans l’accès à certains droits fondamentaux prioritaires (se nourrir, se loger, se vêtir) qui prémunit les familles les plus vulnérables contre la pauvreté et la précarité.

Le scénario 4, « Un État social actif renforcé : la quête d’une «?bonne enfance?» dans une Wallonie fragmentée », se veut «?tendanciel?». Depuis l’émergence de l’État social actif au début des années 2000, on a pu observer un renforcement progressif de la conditionnalité des droits et des aides sociales, en particulier dans la seconde moitié des années 2010. L’évolution de l’État social pour ce scénario s’inscrit dans cette tendance. La place de l’enfant y demeure prioritaire. On y observe la poursuite de la «?montée en puissance?» conjointe d’une conception «?onusienne?» de l’enfance et d’une priorisation du public des enfants dans la lutte contre la pauvreté. La notion de «?bonne enfance?» traduit cette évolution. La conjonction du renforcement de l’État social actif et d’une focalisation sur le public des enfants (parmi d’autres publics cibles prioritaires) en matière de lutte contre la pauvreté, conduit à une fragmentation sociale importante : certains publics se voient davantage protégés que d’autres face aux crises qui se multiplient en raison des effets des changements climatiques et environnementaux. En outre, cette fragmentation est aussi territoriale et économique : la Wallonie poursuit la tendance à la tertiarisation de son économie, ce qui la fragilise face aux crises, réduit la diversité d’offre sur le marché de l’emploi et génère d’importantes disparités territoriales.

A la lumière de ces scénarios, six enjeux et domaines d’action

En conclusion, l’étude développe six enjeux et domaines d’action permettant au Gouvernement et aux acteurs de développer une action stratégique basée sur l’analyse prospective.

  1. Une tendance lourde : les effets des chocs écologiques générés par les changements climatiques et environnementaux sur les inégalités
  2. La dépendance de l’État social au modèle économique
  3. Les risques sociaux et écologiques au cœur des transformations sociétales
  4. Une universalité des droits à géométrie variable
  5. Les transformations de la pauvreté des enfants comme phénomène social
  6. L’autonomisation du champ d’action publique de lutte contre la pauvreté infantile : un risque majeur «?d’ensilotage?» face à des problématiques sociales complexes

À la lumière des enjeux particulièrement complexes que nous avons identifiés, il nous semble aujourd’hui indispensable d’organiser des débats, discussions et échanges avec tous les acteurs, experts et citoyens concernés autour des scénarios, tant pour leurs aspects contextuels que pour ceux relatifs aux configurations d’action publique imaginées. Nous sommes très loin d’avoir épuisé les ressources des démarches participatives dans le cadre de ce projet, l’essentiel débute au moment de le conclure?!

Nous pouvons néanmoins identifier six chantiers qui pourraient être mis en place dans l’avenir pour intégrer les enjeux identifiés par l’étude.

  • Une participation effective des populations et acteurs concernés        
  • Un système de protection sociale intégrant les nouveaux risques et vulnérabilités
  • La place centrale des institutions d’enseignement et d’éducation
  • Deux modalités d’action pour faire face aux risques sociaux-écologiques        
  • Une gouvernance transversale
  • Une «?débureaucratisation?» de l’action publique

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