À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté, l’IWEPS se penche sur la question des familles monoparentales et recomposées, en fonction de la manière dont est organisée la garde des enfants. L’objectif est de pouvoir mieux cerner les différentes configurations familiales – monoparentalité, famille recomposée, garde partagée de manière égalitaire entre les deux parents… – tant du point de vue de leur fréquence que des situations socio-économiques qui y sont associées.
Pour la première fois, on étudie la situation des enfants à partir de données de l’enquête SILC qui permettent de mesurer le temps passé chez le parent interrogé. SILC est une enquête en face-à-face réalisée par Statbel auprès de plus de 6 000 ménages en Belgique et portant sur la thématique des revenus et des conditions de vie. Ce module permet de mieux comprendre la situation de garde à l’aide d’une question : le nombre moyen de jours passés dans le ménage. Si la grande majorité des enfants (les trois quarts) vivent avec leurs deux parents (soit environ 1 800 000 enfants en Belgique, dont 500 000 en Wallonie), la situation des enfants de parents séparés est assez diversifiée, même si la garde confiée à la mère reste largement majoritaire. En effet, parmi les enfants qui n’habitent pas avec leurs deux parents, environ deux sur cinq vivent tout le temps avec leur mère (soit environ 230 000 enfants en Belgique, dont 100 000 en Wallonie) et un sur six vit la plupart du temps avec elle, mais en passant vraisemblablement une partie des vacances et des week-ends chez leur père (soit environ 90 000 enfants en Belgique, dont 40 000 en Wallonie). À l’opposé, seul un enfant de parents séparés sur vingt vit principalement chez son père (soit environ 30 000 enfants en Belgique, dont 15 000 en Wallonie). Dans l’ensemble, les modes de garde après une séparation s’éloignent assez nettement de l’objectif de la loi de 2006 qui visait à privilégier l’hébergement égalitaire, puisque cette situation ne concerne qu’un enfant de parents séparés sur cinq (soit environ 120 000 enfants en Belgique, dont 40 000 en Wallonie). Toutefois, sans aucune information sur la manière dont la séparation s’est déroulée (violences, négligences, éloignement géographique…), il est difficile de juger de la pertinence du type de garde adopté en regard de l’intérêt de l’enfant.
Familles recomposées peu fréquentes
Les familles recomposées sont relativement peu fréquentes, puisque seul un enfant de parents séparés sur cinq vit avec un beau-parent. Si les pères séparés se remettent plus souvent en couple que les mères séparées, la majorité des beaux-parents sont des beaux-pères et non des belles-mères. Cette différence s’explique par le fait qu’il y a plus de parents seuls qui sont des femmes que des hommes – et qu’ici on ne prend en compte que les beaux-parents avec lesquels les enfants vivent. Ainsi, on ne considère pas comme une belle-mère la nouvelle compagne du père dont l’enfant n’est présent qu’un week-end sur deux. De manière similaire, le nouveau partenaire de la mère qui vit avec son enfant n’est pas considéré comme son beau-père, si ce dernier vit dans son propre logement.
Quel impact sur le niveau de vie ?
Les différentes configurations sont associées à des niveaux de vie très différents. Les enfants en garde partagée égalitaire ont en moyenne un niveau de vie proche des enfants de parents non séparés. Par contre, ceux qui vivent tout le temps avec leur mère font face à beaucoup plus de difficultés. La situation des enfants résidant la plupart du temps chez leur mère se situe entre les deux : moins précaires que ceux qui résident tout le temps chez leur mère, ils éprouvent quand même plus de difficultés que ceux en garde partagée ou dont les parents ne sont pas séparés. À titre d’exemple, parmi les enfants de parents non séparés et ceux en garde partagée égalitaire, moins de 15 % n’ont pas les moyens de partir en vacances. Ce pourcentage s’élève à 20 % chez les enfants vivant la plupart du temps chez leur mère et monte jusqu’à 50 % pour ceux qui vivent uniquement chez leur mère.
Une autre source d’inégalité réside dans le genre du parent, même en situation de garde partagée égalitaire. Parmi les gardes partagées égalitaires, les mères font face à plus de difficultés que les pères ayant la garde partagée égalitaire. Ainsi, 20 % des pères ayant la garde partagée sont locataires, contre 40 % des mères dans la même situation. Les femmes se privent aussi plus facilement de dépenses personnelles : un père avec la garde partagée égalitaire sur 20 n’a pas les moyens d’aller boire un verre avec des amis contre trois mères sur 20 dans la même situation de garde. Mais c’est sans commune mesure avec les mères vraiment seules avec leurs enfants, où cet indicateur de privation monte à une sur trois.
Parent solo moins diplômé et moins à l’emploi ?
Cependant, on ne peut toutefois attribuer la totalité de ces différences de niveaux de vie à la séparation et à la manière dont celle-ci s’est déroulée. En effet, les profils des parents dans les différentes situations ne sont pas les mêmes. Les mères qui se retrouvent constamment seules avec leurs enfants sont en moyenne moins diplômées que celles qui partagent la garde de leurs enfants avec leur ex-conjoint, dont les niveaux de diplômes sont similaires à ceux des mères non séparées. Par exemple, alors que la moitié des mères non séparées ou qui ont une garde partagée égalitaire de leurs enfants ont un diplôme de l’enseignement supérieur, seul un quart des mères qui ont la totalité de la charge de leurs enfants ont un tel diplôme.
On retrouve aussi des différences de statut d’emploi selon le type de garde : les mères ayant la garde partagée égalitaire travaillent pour plus de 80 % d’entre elles et en majorité à temps plein. Les mères ayant la majorité de la garde des enfants sont 70 % à travailler et privilégient le temps partiel (40 %). Et celles qui les ont la totalité du temps sont plus fréquemment allocataires sociales que les autres – même si la majorité de ces dernières travaillent tout en s’occupant de leurs enfants.
Et la pension alimentaire ?
On remarquera aussi que seule une minorité de ces mères seules bénéficient du soutien financier de leur ex-conjoint. La perception d’une pension alimentaire est bien moins fréquente dans ce type de ménage que chez les mères qui ont les enfants la majorité du temps mais pas constamment – les enfants se rendant régulièrement, les week-ends et/ou les vacances, chez le père. Plus précisément, la perception d’une pension alimentaire est presque inexistante chez les pères ayant la garde partagée (3 %), faible chez les mères ayant la garde partagée (10 %), importante chez les mères ayant la majorité de la garde (60 %), mais plus faible chez les mères ayant la totalité de la garde (30 %). Autrement dit, seule une minorité de celles qui en ont le plus besoin perçoivent une pension alimentaire. Cette faiblesse de l’aide financière reçue par les mères les plus démunies devrait amener à repenser et renforcer le soutien aux femmes qui se retrouvent à assumer toutes seules l’éducation et les frais liés aux enfants.
- Lire le rapport complet ici : https://www.iweps.be/publication/monoparentalites-etude-des-situations-de-garde-denfants-de-parents-separes
- Écouter le podcast dédié à cette recherche ici : https://www.iweps.be/podcast-de-liweps/
Personne de contact pour la presse :
Evelyne Istace, chargée de communication : 081/46 84 36 ou e.istace@iweps.be
Retour aux actualités