Newsletter de l’Institut interfédéral de Statistique N°3

La statistique publique n’échappe pas aux tensions qui traversent nos sociétés. Celles-ci sont la conséquence d’un ensemble de facteurs identifiés dans des groupes de travail internationaux au niveau de points faibles de son organisation interne et de menaces provoquées par son environnement externe. Ces tensions représentent des contraintes pour les statisticiens quant à l’établissement des priorités dans les programmes statistiques, l’affectation des ressources, le choix des techniques utilisées ou des infrastructures mises en place.

Ces difficultés se manifestent par exemple au niveau des données externes dont l’impact sur la statistique publique a notamment été étudié par Pascal Rivière1 : « Dans un monde numérisé où les data accompagnent en permanence nos vies et celles de nos organisations, on pourrait avoir tendance à penser que la multiplication des sources de données sur tous sujets rend le travail du statisticien plus facile. Cette vision est largement erronée, car elle recèle une confusion majeure sur le sens du mot « donnée» : on peut effectivement accéder, plus ou moins aisément d’ailleurs, à des quantités considérables de valeurs (nombres, codes, libellés, dates, etc.)… mais pas à l’équivalent en données. Car ces valeurs demeurent lettre morte tant qu’on ne dispose pas de clés solides permettant de les interpréter : concept, domaine, mais aussi périmètre suffisamment explicités. On ne peut envisager d’utiliser ces valeurs à des fins d’analyse sur la base de conventions faibles ou inexistantes, de caractérisations vagues, mal assurées,
implicites.

Dès lors, la première responsabilité du statisticien face à des jeux de données externes est de révéler et démêler un entrelacs de conventions sous-jacentes à celles-ci (Martin, 2020): conventions sur les définitions, les objets, temporalités, nomenclatures, formats, valeurs manquantes, etc., tout ce qui va lui
permettre de reconstituer le triptyque concept domaine-valeur, et de caractériser la population couverte. » 2.

D’un côté, on observe une disponibilité de données nouvelles, « matière potentiellement accessible, très riche. » De l’autre, il faut répondre aux exigences et au travail conséquent requis pour leur exploitation rigoureuse en vue de produire une statistique publique de qualité. La complexité de l’exploitation de données particulières, qui a été mise en évidence dans les numéros précédents de cette Newsletter,
est illustrée dans les pages suivantes avec une collaboration des partenaires de l’IIS sur les statistiques du handicap en Belgique.

Face à ces tensions, les principes fondamentaux de la statistique publique constituent un cadre de référence pour garantir des résultats statistiques de qualité. Le monitoring permanent de la qualité de la production statistique conformément au Code de bonnes pratiques de la statistique européenne constitue d’ailleurs une mission attribuée à l’IIS et aux autorités statistiques, fixée dans l’article 11 de l’accord de coopération du 15 juillet 2014.

Au niveau d’Eurostat, dont le système statistique est décrit ci-après, le suivi de la mise en œuvre des principes du Code est réalisé lors d’un examen par les pairs (détaillé dans un article de la Newsletter n°2). Un troisième cycle est en cours actuellement (2021 – 2023). Pour la Belgique, la revue s’est déroulée en décembre 2021 et a conduit à la publication d’un rapport disponible sur le site d’Eurostat. La rédaction des actions à mettre en œuvre pour suivre les recommandations formulées constitue la prochaine étape de ce processus.

Notons que la date choisie pour la publication de cette Newsletter n°3 correspond à celle de la Journée européenne de la statistique, célébrée pour la septième fois. A travers cette journée, les organisateurs européens souhaitent renforcer le dialogue avec les utilisateurs des statistiques : décideurs publics et privés, communauté scientifique, médias, grand public. L’article de ce numéro qui fait état des travaux de partenaires de l’IIS sur les statistiques de population illustre ce souci de répondre aux besoins des utilisateurs, de même que la recherche de cohérence au niveau des sources de données.

Enfin, sachant que la production de statistiques publiques doit reposer sur une base légale, ce troisième numéro publié en cette journée européenne de la statistique est l’occasion de faire l’état des lieux des référentiels internationaux à ce sujet ainsi que des fondements juridiques des instances statistiques en Belgique.

Nous vous souhaitons une agréable lecture.

1 INSEE, Courrier des statistiques, décembre 2020, Qu’est-ce qu’une donnée ? Impact des données
externes sur la statistique publique, p. 127-128.

2 MARTIN, Olivier, 2020. L’empire des chiffres. 16 septembre 2020. Éditions Armand Colin

Langue : fr Nombre de page : 13