Actualités

Dans le cadre de la journée internationale d’action pour la santé des femmes qui a lieu le 28 mai, l’IWEPS a souhaité revenir sur certains résultats de la publication « genre et santé mentale » et d’enquêtes sur le genre pour rappeler que l’analyse de la santé sous l’angle du genre est un enjeu essentiel au sein de notre société, notamment pour garantir un meilleur calibrage des politiques publiques dans ce domaine.

Ce que les données montrent, c’est que les individus ne sont pas touchés de la même façon et avec la même ampleur par les problèmes de santé mentale en Wallonie et que des inégalités se dessinent voire se renforcent entre les individus. Introduire une approche genrée dans les politiques de santé participera à l’amélioration de la santé au travers d’une meilleure compréhension des phénomènes qui touchent différemment les femmes et les hommes

Les statistiques sur la santé mentale en Wallonie mettent en lumière une société malade, « abimée » par les crises successives qu’elle a traversées. Et les données relatives à l’état de santé psychologique de la population telles que collectées via l’enquête de santé indiquent clairement une accentuation du mal-être depuis 2008.

En Wallonie, en 2018 (dernière vague disponible de l’enquête de santé), plus d’une personne sur trois (37,1%) présente des signes de mal-être psychologique avec des différences importantes selon le sexe :

  • 43,6% des femmes (soit plus de 2 femmes sur cinq) présentent des signes de mal-être psychologique contre 29,8% des hommes.

Ce mal-être présent chez un nombre important de femmes peut se traduire par des comportements suicidaires.

Si le taux de mortalité par suicide est plus important chez les hommes que chez les femmes, les données montrent à l’inverse que les tentatives de suicide sont nettement plus nombreuses chez les femmes.

  • 52… serait, selon une extrapolation réalisée par l’équipe de recherche de l’enquête de santé[1], le nombre de tentatives de suicide réalisées chaque jour en Belgique ou, pour le dire autrement, il y aurait plus de 2 tentatives de suicide toutes les heures.

Des statistiques sur les tentatives de suicides qui restent invisibilisées alors que 65% des tentatives de suicide sont réalisées par des femmes[2].

Il est par ailleurs inquiétant de constater que le nombre d’hospitalisations en Wallonie suite à une tentative de suicide ne semble pas diminuer au cours des années observées (période d’observation couvrant 2016-2018).

On constate, par ailleurs (sur la période entre 2016 et 2018) que 16% des tentatives de suicide chez les personnes âgées de 15 ans et plus sont des récidives (cela est vrai pour les deux sexes).

Ce nombre important de tentatives de suicide (comme le nombre de suicides d’ailleurs pour le pendant « masculin ») doit être mis en rapport avec la question de la prévention, mais aussi avec les moyens déployés pour assurer une prise en charge hospitalière et un accompagnement efficace des femmes qui ont tenté de mettre fin à leurs jours. Ce nombre important de tentatives de suicide, qu’on peut assimiler à une expression féminine d’une forme grave de mal-être, reflète également l’absence de prise en compte du genre dans la compréhension des tentatives de suicide, mais aussi des suicides, et aussi dans les réponses qui y sont apportées, que ce soit par les politiques publiques, les chercheur·e·s scientifiques, les professionnel·le·s de la santé, etc.

L’absence de prise en compte du genre dans la compréhension de l’état de santé mentale des femmes et des hommes participe par ailleurs à invisibiliser une problématique qui est pourtant déterminante pour mieux comprendre une série de pathologies, de pratiques en matière de santé (consommation de psychotropes, d’alcool) ou encore de comportements (tentatives de suicide et récidives) : les violences faites aux femmes.

On retiendra, à partir des résultats d’une grande enquête réalisée en France en 2017 sur les violences de genre[3] que les femmes qui ont été victimes d’un inceste au cours de leur vie sont 26% à avoir fait une tentative de suicide alors qu’elles ne sont que 4% parmi celles qui n’ont connu aucun épisode de violence sexuelle. Elles sont, par ailleurs 31% à consommer des anxiolytiques contre 13% parmi le groupe des femmes non-victimes.

En ce qui concerne les violences conjugales, les résultats mettent en évidence un lien significatif entre le fait d’avoir vécu des violences conjugales et la présence importante de comportements suicidaires, de pathologies diverses et de troubles du comportement face à la santé chez les femmes victimes.

  • 24,6% des femmes victimes ont fait une tentative de suicide au cours de leur vie (dont 10% plusieurs tentatives) contre à peine 2,7% des femmes qui n’ont pas subi de violences conjugales au cours de la vie.

L’état de santé mentale des femmes et des hommes doit également être mis en relation avec la santé telle qu’elle est aujourd’hui mesurée et analysée dans la recherche, avec de nombreuses zones d’ombre qui existent dans la collecte et l’analyse des données mais aussi avec des normes de genre persistantes qui ont des effets négatifs sur l’état de santé des femmes et des hommes que ce soit au niveau de la prévention, du diagnostic ou encore du traitement de certaines maladies.

Être aveugle au genre contribue, par ailleurs, à individualiser les problèmes de santé en ne tenant pas compte des pratiques inégalitaires qui sous-tendent les relations entre les individus dans la société, en raison de représentations collectives, stéréotypées mais aussi du contexte social et politique dans lequel évoluent ces individus, des violences de genre qui continuent d’être perpétrées dans notre société…

Retrouvez sur notre site, le 3e numéro de notre podcast consacré à ce sujet ainsi que la publication « Genre et santé mentale » :

Télécharger le communiqué au format PDF : https://www.iweps.be/wp-content/uploads/2023/05/Communique-de-presse-Podcast-3_def.pdf

Personne de contact :

Aurélie Hendrickx, chargée de communication

0471/17.77.79

a.hendrickx@iweps.be


[1] Ces chiffres sont le résultat d’une extrapolation (à l’échelle de la population vivant en Belgique, âgée de 15 ans ou plus) pour donner un ordre de grandeur de l’importance des tentatives de suicide en Belgique. Cette extrapolation a été réalisée par une chercheuse de l’enquête de santé qui estime à 18.900 personnes, le nombre de personnes qui ont tenté de se suicider sur une période de 12 mois précédant l’enquête de santé de 2018.

2 Ce pourcentage porte sur les femmes qui ont été hospitalisées à la suite d’une tentative de suicide. Source : Résumé hospitalier minimum, année 2018. Le résumé hospitalier minimum (RHM) est un système d’enregistrement des hospitalisations. Il contient des informations anonymisées sur le patient, ses pathologies, la raison de son hospitalisation et les soins apportés.

[3] Les résultats de l’enquête VIRAGE, réalisée en France en 2017 auprès d’un échantillon de 25000 individus (femmes et hommes) représentatif de la population, mettent en évidence un lien significatif entre le fait d’avoir vécu des épisodes de violences sexuelles ou conjugales et la présence importante de comportements suicidaires, de pathologies, de troubles de comportement chez les femmes victimes.


Retour aux actualités