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La crise énergétique mondiale actuelle, amplifiée par le contexte géopolitique en Ukraine, met plus que jamais en évidence la dépendance des modes de vie des Wallonnes et des Wallons aux énergies fossiles. En matière de mobilité, elle souligne la vulnérabilité énergétique d’un système de transport largement basé sur l’automobile et le pétrole.

La dépendance de la mobilité à l’automobile s’est développée depuis l’après-guerre 1940-45 suite à l’éparpillement sur le territoire des entreprises, services, commerces et logements, allongeant et complexifiant les déplacements. Cet « étalement urbain » a été permis par l’essor de la voiture individuelle et une énergie relativement bon marché, par un aménagement du territoire trop peu régulé, et il a été soutenu par l’aspiration de nombreux ménages à vivre au vert dans une maison quatre façades.

La transition énergétique et environnementale que les scientifiques appellent depuis longtemps, à partir d’une vision à long terme, s’impose à présent dans l’urgence par la situation économique et géopolitique. La Wallonie, comme d’autres territoires, paie aujourd’hui, et paiera encore demain, les décisions qui n’ont pas été prises ces dernières dizaines d’années, notamment en matière d’aménagement du territoire ; elle paie également le prix de notre inertie collective à ne pas vouloir changer de modèle, le prix du déni climatique et des limites physiques de la Terre.

C’est dans ce contexte que l’IWEPS publie aujourd’hui son Working Paper n°34 qui vise à faire le point sur les interactions entre la mobilité des personnes et l’aménagement du territoire en Wallonie, soit le « système transport-localisation ».

Un état des lieux conceptuel et chiffré

Cette étude présente d’abord l’état du système wallon avec pour principaux constats :

  • une croissance globale des déplacements par la route et des kilomètres parcourus depuis au moins les années 1990 ;
  • une complexification des déplacements et des motifs plus variés que les déplacements structurants habituels pour aller au travail ou vers les lieux de scolarité (qui ne représentent plus qu’un tiers du nombre de déplacements en 2017) ;
  • une utilisation élevée de la voiture (75% du nombre de déplacements sont réalisés en voiture), en particulier dans les territoires peu denses en population et services ;
  • une distance moyenne domicile-travail des salariés habitant en Wallonie et travaillant en Belgique de 24 km avec une diversité élevée entre les communes ;
  • des inégalités marquées entre les ménages et entre les territoires en termes de mobilité, d’accessibilité géographique aux services et de vulnérabilité énergétique.

Elle met en évidence dans ces constats le rôle majeur de l’étalement urbain non suffisamment maîtrisé par la politique d’aménagement du territoire et son impact sur la difficulté de desservir adéquatement le territoire wallon en transports en commun (40% de la population, trop dispersée, n’y a pas accès à distance piétonne).

Recommandations : réorganiser, juguler et soutenir

L’étude interroge ensuite la capacité du système wallon à répondre aux enjeux et contraintes énergétiques, environnementaux, sociaux et économiques. Elle propose une série de recommandations appuyant ou dépassant les objectifs et mesures repris dans les documents stratégiques wallons de mobilité et d’aménagement du territoire.

En résumé, les principales recommandations proposées visent à :

  • réorganiser le territoire wallon et ses tissus urbanisés existants en vue de diminuer les consommations énergétiques liées aux déplacements, tout en rencontrant les différents besoins d’accès des personnes aux services et aux biens :
  • juguler la vulnérabilité énergétique des ménages/entreprises en prenant en compte de manière beaucoup plus forte l’accessibilité bas carbone/basse énergie lors de la délivrance des permis d’urbanisme pour les logements et toute activité génératrice de déplacements élevés, mais aussi en conditionnant tout développement urbanistique à une accessibilité bas carbone/basse énergie préalable. À cette fin, des outils adéquats doivent être mis à disposition des autorités locales. En effet, est-il encore raisonnable de laisser des ménages/activités se rendre dépendants d’une énergie à utiliser avec parcimonie et s’exposer à la précarité énergétique ?
  • accompagner les mesures incitatives et contraignantes nécessaires pour limiter la demande en énergie de nos déplacements de mécanismes de soutien aux ménages les plus fragiles. À ce sujet, la fiscalité et une meilleure maîtrise foncière semblent des outils indispensables à mobiliser, afin notamment d’offrir aux ménages des logements abordables dans les lieux de vie à haute accessibilité bas carbone/basse énergie.

Les différentes propositions répondent en grande partie également à l’enjeu de limiter l’artificialisation des terres agricoles, forestières et naturelles.

Pacte social pour la transition

Enfin, les auteurs souhaitent insister sur un point crucial : pour faire de la transition du système un succès, organisé et non subi, il importe d’avoir rapidement un engagement de toute la société vers cet objectif, un véritable pacte social pour la transition. Cet engagement passe par des politiques de sensibilisation, de participation démocratique ainsi que par un accompagnement adéquat qui discerne les enjeux et les vulnérabilités. Cela nécessite également des décisions politiques cohérentes assurant que le processus de transition contraindra en priorité les activités non essentielles les plus consommatrices d’énergie et veillera à ne pas renforcer les inégalités sociales et territoriales selon le concept de « transition juste ». Les enjeux sont collectifs et transcendent l’hétérogénéité des situations individuelles et des territoires.

Cette étude ne constitue pas une analyse définitive, mais invite à de plus amples investigations, à développer ultérieurement avec les acteurs wallons concernés.

Pour consulter la publication : https://www.iweps.be/publication/interaction-mobilite-amenagement-du-territoire-en-wallonie-dans-une-perspective-de-transition-juste/

Personne de contact :
Evelyne ISTACE, chargé de communication : +32 (0)81 46 84 36 ou e.istace@iweps.be  

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