Résiliente face à la crise sanitaire, l’économie wallonne doit maintenant affronter les répercussions de la guerre en Ukraine et la crise énergétique
L’IWEPS publie aujourd’hui l’édition 2022 de son « Rapport sur l’économie wallonne ». Ce rapport dresse un bilan structurel de l’économie wallonne au sortir du choc économique majeur de la pandémie de Covid-19. Il se base sur des indicateurs macroéconomiques récents disponibles ou estimés au niveau régional (2014-2021) et discute des évolutions économiques attendues dans un contexte marqué par de nouvelles turbulences économiques résultant du conflit russo-ukrainien depuis 2022.
Dans le cadre de l’évaluation du Plan de relance de la Wallonie, ce rapport constitue aussi le volet macroéconomique d’un diagnostic structurel global de la Wallonie, dont les rapports sur les indices de situation sociale (ISS) et le rapport sur l’état de l’environnement complètent le triptyque.
De 2014 à 2019, l’expansion économique s’est progressivement intensifiée en Wallonie, avec des retombées globalement positives pour les ménages et les entreprises.
Durant la phase d’expansion économique précédant la crise sanitaire (c’est-à-dire de 2014 à 2019), la croissance économique régionale s’est renforcée de manière graduelle, atteignant un rythme moyen sensiblement supérieur à celui de la Belgique (+2,0% contre +1,7%). La croissance de l’emploi a également enregistré un rythme soutenu en Wallonie.
A l’issue de cette période d’expansion économique, les agents privés (ménages et entreprises) en Wallonie avaient amélioré leur situation financière, ce qui constitue vraisemblablement un facteur de résilience important aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 (marges bénéficiaires des entreprises wallonnes rétablies, hausse des revenus des ménages, taux de chômage historiquement bas).
La résilience du marché du travail a été remarquable face aux soubresauts de la crise liée au Covid-19.
En dépit du repli brutal de l’activité au printemps 2020, l’emploi en Wallonie a été largement préservé, grâce aux mesures de soutien d’urgence mises en place par les autorités publiques fédérales et régionales (chômage temporaire, droit passerelle) et au recours étendu au télétravail. Le choc récessif a toutefois immédiatement entrainé des pertes d’emplois pour les statuts les plus flexibles du marché du travail tels que l’intérim et le travail étudiant.
Malgré le ralentissement en fin d’année 2021, l’économie wallonne s’est globalement bien sortie de la crise sanitaire.
En dépit du ralentissement de la fin de l’année, le rebond de l’activité en 2021 à un rythme moyen de +6,3%, aurait été tout aussi spectaculaire que le recul enregistré l’année précédente (-6,2%). Néanmoins, cette évolution macroéconomique globalement favorable masque en réalité une disparité de situations, notamment un contraste fort entre la bonne santé relative de la plupart des secteurs industriels, d’une part, et certains secteurs des services marchands (horeca notamment) dont le niveau d’activité peinait encore à se normaliser, d’autre part.
De manière générale, et en comparaison à d’autres pays, les fluctuations de l’emploi intérieur en Wallonie comme en Belgique dans son ensemble au cours de ces deux années ont été de faible amplitude. Les mesures de rétention de la main d’œuvre ont permis de limiter les entrées dans le chômage mais la diminution des embauches a entrainé un enlisement dans ce statut de celles et ceux qui y étaient déjà, ralentissant les sorties vers l’emploi.
La situation des agents économiques semblait favorable en début d’année 2022.
L’action déterminée des pouvoirs publics a contribué à la préservation de la situation financière des agents privés (ménages et entreprises), en dépit des contraintes fortes pesant sur l’activité, au grand détriment toutefois de la santé budgétaire des différents gouvernements. Cela s’est traduit concrètement en Wallonie, d’une part, par une élévation du taux d’épargne des ménages vers un sommet historique en 2020, avec une normalisation partielle en 2021 ; d’autre part par un recul très limité de la rentabilité des entreprises en 2020 et même d’un rebond en 2021.
La santé budgétaire des pouvoirs publics wallons s’est sensiblement détériorée durant la période 2020-2021, alors qu’une amélioration du solde de financement était perceptible jusqu’en 2019. Les dépenses exceptionnelles engagées en raison de la crise sanitaire en 2020 ont fait place à d’autres dépenses en 2021 liées cette fois aux inondations survenues en juillet. Ces dépenses accentuent le déficit régional et reportent le rétablissement des finances wallonnes, alors que s’affirme une ambition de relance des investissements.
Néanmoins les perspectives de l’économie wallonne se sont sensiblement affaiblies dans le courant de l’année 2022.
La guerre menée par la Russie en Ukraine, avec son lot de répercussions économiques délétères sur la confiance et la santé financière des ménages et des entreprises, a mis à mal le scénario de reprise des économies européennes. Au niveau wallon, les principaux indicateurs issus des enquêtes mensuelles réalisées auprès des entreprises attestent également d’un nouveau ralentissement conjoncturel dans l’industrie et surtout le commerce. En outre, la chute récente de l’indicateur de confiance des ménages wallons constitue le signal précurseur d’un recul probable des dépenses des ménages,
Certaines fragilités structurelles de l’économie wallonne demeurent, tandis que de nouveaux risques émergent.
Outre la dégradation récente des perspectives, ce rapport permet d’identifier, en creux, certaines fragilités plus structurelles de l’économie wallonne.
Ainsi l’assèchement des embauches a piégé dans la demande d’emploi des chômeurs, dont une partie auraient trouvé rapidement un emploi en conjoncture « hors pandémie ». Ces travailleurs sont venus gonfler la catégorie des demandeurs d’emploi de 1 à 2 ans. Par la suite, la reprise a d’abord bénéficié aux demandeurs d’emploi de courte durée, selon une logique de file d’attente inversée. Le manque d’opportunités d’embauche pendant la crise a probablement éloigné de nombreuses personnes du marché du travail, au risque d’en plonger certains dans le chômage de longue durée. C’est un facteur de risque pour la reprise post-Covid dans la mesure où les pénuries de main d’œuvre semblent s’être renforcées par ailleurs sur certains segments du marché du travail. La prévalence de ces deux phénomènes (hausse du chômage de longue durée et hausse des emplois vacants) pourrait signifier qu’un problème d’appariement de plus en plus important se développe sur le marché du travail wallon.
Au niveau des entreprises, le maintien de leur compétitivité dans le contexte de flambée des coûts est un défi existentiel pour un certain nombre d’entre elles. En outre, la compétitivité « hors-prix » des entreprises domestiques est encore à améliorer afin de positionner les entreprises exportatrices wallonnes idéalement sur les marchés extérieurs les plus porteurs. Enfin, les crises récentes ont révélé un nouvel élément potentiel de fragilité des entreprises et plus globalement de l’économie domestique : ces crises ont en effet démontré le risque pour nos économies d’une trop forte concentration des sources d’approvisionnement pour certains biens, matières premières (en particulier le gaz) ou intrants industriels (semi-conducteurs).
Par ailleurs, il est apparu que pendant la crise sanitaire, la protection relative des agents économiques privés a pu se réaliser au prix d’une nette détérioration des comptes publics. La stabilisation de ceux-ci constitue un défi de taille pour nos gouvernements, que ce soit au niveau wallon, belge ou européen, en particulier dans le contexte de la remontée en cours des taux d’intérêt et les nouveaux besoins de soutien aux catégories d’agents les plus vulnérables face au choc énergétique qui s’est amplifié sensiblement durant l’été 2022 au sein des économies européennes.
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