À l’approche de la Semaine de la mobilité, dans une actualité asphyxiée par une crise énergétique et climatique d’ampleur inédite, l’IWEPS fait le point sur l’état de la mobilité en Wallonie et les mesures mises en place pour répondre aux enjeux énergétiques, sociaux, économiques et environnementaux liés aux déplacements.
Crise énergétique et mobilité : un contexte alarmant qui exacerbe encore les enjeux
Aujourd’hui, bon nombre de ménages subissent de plein fouet la hausse des prix de l’énergie. Directement par l’augmentation des coûts des carburants et indirectement sur tous les autres postes de dépenses qui en dépendent. Par conséquent, la capacité des ménages à se déplacer est dans ce contexte lourdement impactée. Cette crise énergétique met plus que jamais en évidence la dépendance des modes de vie que nos sociétés ont développée depuis la révolution industrielle aux énergies fossiles et singulièrement à un système de transport largement basé sur l’automobile et le pétrole. Cela a favorisé l’éparpillement sur le territoire des entreprises, services, commerces et logements, allongeant et complexifiant tous les schémas de déplacements.
Cette dépendance aux énergies fossiles, non renouvelables et émettrices de gaz à effet de serre, rend le système insoutenable économiquement, environnementalement et socialement. Les engagements climatiques de neutralité carbone à l’horizon 2050 pris par nos gouvernements traduisent ce constat. Au vu des dernières données disponibles, le poids du secteur des transports dans les émissions de gaz à effets de serre en Wallonie s’élève à 22% des 34 millions de tonnes en équivalent CO2 en 2020 (contre 12% en 1990, témoignant ainsi d’une croissance de 6% entre 1990 et 2020, année pourtant fortement impactée par la pandémie) et à 29% des besoins énergétiques des consommateurs finaux (hors aérien et transport agricole, en forte croissance de 35% depuis 1990).
Ces constats ont été largement repris dans la récente publication de l’IWEPS[1], qui met en évidence les interactions entre mobilité et aménagement du territoire, soit le “système transport-localisation » wallon. Elle interroge sa capacité à répondre aux enjeux et contraintes énergétiques, environnementaux, sociaux et économiques, en particulier l’enjeu de rencontrer les différents besoins d’accès des personnes/entreprises aux services et aux biens, en préservant l’environnement et sans nuire à l’équité sociale.
Quelles réponses apporter face à ces enjeux ?
Les principaux leviers d’action pour diminuer l’impact énergétique et climatique de la mobilité sont connus et en partie planifiés (voir Stratégie régionale de mobilité notamment). Il s’agit notamment, par ordre de priorité, de :
- Réduire la demande en mobilité, soit les distances à parcourir en agissant sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire, en priorité les kilomètres parcourus en voiture/camion/avion ;
- Encourager vigoureusement le report depuis la voiture vers d’autres modes et, en parallèle, surtout dissuader l’utilisation de la voiture en autosolisme (tout seul) ;
- Rendre les voitures plus sobres en énergie et matériaux, et donc plus légères et moins puissantes ;
- Changer le mode de motorisation (électrification de la partie du parc automobile indispensable pour assurer les déplacements essentiels et contraints).
Cependant, la mise en œuvre concrète de ces mesures sur le terrain ne semble pas encore en cohérence avec les ambitions et la réponse à apporter aux risques majeurs qui nous rattrapent : changements climatiques, prix de l’énergie…
Parmi les différentes mesures politiques structurelles mises en œuvre récemment, certaines semblent aller dans la bonne direction ; d’autres restent encore à mettre en place.
En guise de bilan des avancées, on peut pointer en positif :
- Le développement d’un réseau de 28 lignes de bus express[2] complémentaire à l’offre existante en train, afin d’assurer des liaisons rapides et efficaces entre les principaux centres d’emploi et de services de la Wallonie ;
- La réduction du coût ou la quasi-gratuité des titres de transport TEC pour certaines catégories d’âge ;
- La généralisation du télétravail en prolongation de certaines mesures prises durant la crise sanitaire de la Covid-19 ;
- Les investissements wallons élevés dans les infrastructures cyclables, mais toujours insuffisants vu la situation de départ très peu favorable dans la plupart des communes wallonnes (cf. Le baromètre cyclable du Gracq[3]) ;
- La généralisation progressive de Zones 30 ou apaisées dans les centres-villes ;
- La réforme du régime de taxation des véhicules utilitaires et le projet de réforme fiscale sur l’automobile.
Ces quelques mesures sont cependant loin d’apparaître suffisantes pour répondre aux ambitions. Pire encore, certaines politiques continuent à accentuer la dépendance du système aux énergies fossiles ou à des ressources limitées comme :
- Le système des voitures-salaires ;
- L’absence de régulation forte en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire visant à limiter l’étalement urbain et la dépendance à la voiture et aux énergies fossiles. Cette absence de régulation et certaines décisions (semi-publiques) ont même tendance à encore accroître la vulnérabilité énergétique (actuelle et future) des ménages et des entreprises (implantation de certains services publics, politique économique régionale liée aux parcs d’activités, aux aéroports[4]) ;
- L’absence de mise en œuvre de mesures simples de sobriété telles que la réduction des vitesses sur les autoroutes et autres grands axes ;
- De manière plus globale, concernant la politique énergétique belge/wallonne, l’absence de maîtrise des coûts des énergies/carburants et de leur approvisionnement, aggravant la vulnérabilité des ménages pour leurs déplacements essentiels et des entreprises pour leur compétitivité (transport des marchandises).
Le rôle de la mobilité active et en particulier du vélo
Cette Semaine de la mobilité, dont le thème est consacré à la mobilité active et le vélo, permet ici de rappeler le rôle important des déplacements bas carbone/basse énergie, tels que les déplacements à vélo et la micromobilité, dans la transition du système de mobilité wallon. L’objectif n’est évidemment pas que tous les déplacements se fassent en mobilité active, mais qu’une part beaucoup plus importante des déplacements, en particulier ceux de courtes distances (moins de 15 kilomètres), puissent se faire à pied, à vélo (électrique), en complément des transports en commun, plutôt que seul en voiture. À cette fin, il est indispensable d’aménager des itinéraires cyclables sûrs, efficaces et confortables pour inciter aux déplacements au sein des centralités (lieux concentrant des activités : logements, services, emplois), mais aussi entre les centralités et les lieux d’habitations (villages). Chacun doit pouvoir avoir la liberté de se déplacer en toute sécurité selon le mode de transport qu’il choisit, surtout quand il s’agit d’un mode sobre en énergie, et donc économique, bon pour la santé et pour lequel les ambitions de développement sont élevées (pour rappel, l’ambition wallonne est de passer de 1% de déplacements à vélo en 2017 à 5% du total des déplacements à l’horizon 2030).
Pacte social pour une transition juste
À court terme, il s’agit d’amplifier les mesures pour limiter l’impact de la crise sur les ménages, en particulier les plus vulnérables. À plus long terme, la transition ne doit pas accentuer les inégalités sociales et les vulnérabilités énergétiques existantes. La situation actuelle et le processus de transition réclameront in fine de se positionner sur la question de la sobriété, des activités non essentielles consommatrices d’énergie à contraindre en priorité.
Plus d’infos ? Sur le site de l’Institut via l’outil WalStat, dans la rubrique « Mobilité ».
>> Télécharger le communiqué de presse en PDF
[1] Working Paper n°34 de l’IWEPS, 2022 : https://www.iweps.be/publication/interaction-mobilite-amenagement-du-territoire-en-wallonie-dans-une-perspective-de-transition-juste/
[2] https://www.letec.be/View/Les_lignes_Express/3708
[3] https://www.gracq.org/barometre-cyclable-resultats
[4] Cahier de prospective n°7 de l’IWEPS, 2022 : Le secteur du transport aérien de passagers en Wallonie : une première approche. https://www.iweps.be/publication/le-secteur-du-transport-aerien-de-passagers-en-wallonie-une-premiere-approche-prospective/
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