La prospective peut-elle contribuer à l’évaluation de dispositifs d’action publique ou à de stratégies ?
Évaluation et prospective font partie des missions et des activités de l’IWEPS. Entre ces deux démarches, il y a de nombreux recoupements, mais aussi des différences et des complémentarités.
L’évaluation des politiques publiques « a pour objectif d’améliorer l’action publique, d’en optimiser les résultats et pour cela de mesurer et d’expliquer les écarts entre les effets attendus et les effets obtenus » (Fouquet : 2011).
Elle peut poursuivre différents objectifs :
- évaluer un impact, soit apprécier les effets d’un dispositif d’action publique sur ses publics cibles;
- analyser un processus spécifique ou la mise en oeuvre d’une politique publique, en étudiant un système d’acteurs et la façon dont il affecte positivement ou négativement l’atteinte des objectifs d’une politique;
- aider à la décision et jouer un rôle d’apprentissage collectif : ses conclusions et recommandations permettent aux décideurs d’améliorer leurs dispositifs et aux différents acteurs impliqués de mieux comprendre le fonctionnement de l’action, ses enjeux et d’en améliorer le fonctionnement.
La démarche d’évaluation utilise différents critères permettant de juger de la qualité d’une politique :
- la pertinence, qui vérifie l’adéquation entre le problème que doit résoudre la politique et l’action entreprise;
- la cohérence, qui examine l’adéquation des actions entre elles et avec les moyens déployés;
- l’efficacité, qui vise à analyser si les résultats obtenus sont conformes aux objectifs;
- l’efficience qui permet de lier les résultats aux dépenses engagées pour les atteindre;
- l’utilité – voire l’équité – sociale qui permet de voir si les impacts de la politique répondent aux besoins et problèmes identifiables dans la société et/ou à certaines normes de justice sociale.
Il est possible d’établir de nombreux points communs – principalement d’ordre méthodologique – entre les démarches d’analyse prospective et celles d’évaluation : elles visent à comprendre les liens de causalité entre facteurs, elles poursuivent l’intention d’objectiver la situation, elles contribuent au débat public par leurs conclusions et recommandations et jouent un rôle d’aide à la décision ainsi que d’apprentissage pour les différentes parties prenantes. L’évaluation, lorsqu’elle est réalisée a priori (évaluation ex-ante), se rapproche de la démarche prospective, puisqu’elle vise à anticiper les effets futurs de décisions prises aujourd’hui. Dans certains cas, l’évaluation, comme la prospective, adopte une analyse systémique et a recours aux ressources de l’intelligence collective.
Prospective et évaluation se différencient néanmoins fortement dans la manière dont elles sont réalisées : l’évaluation suit un protocole relativement stable où la définition du référentiel ainsi que l’usage de critères normalisés (pertinence, cohérence, efficacité, efficience, utilité sociale), là où la prospective a pour objectif d’ouvrir les perspectives et d’examiner des futurs possibles différenciés en exploitant des démarches visant à créer des contrastes et à examiner des ruptures. La prospective développe une approche davantage inductive, là où l’évaluation peut apparaître comme une démarche davantage déductive. En outre, l’évaluation des politiques publiques jouit, au contraire de la prospective, depuis une vingtaine d’années, d’une institutionnalisation forte (formations et instituts dédiés, métier reconnu, reconnaissance politique, intégration de l’évaluation aux politiques…). Par ailleurs, prospective et évaluation entretiennent des rapports au temps très différents : la prospective propose une analyse des futurs possibles pour éclairer la décision présente, là où l’évaluation se focalise sur la temporalité propre à une action publique déterminée.
Prospective et évaluation peuvent apparaître complémentaires lorsqu’il s’agit de travailler ou de retravailler à la définition des objectifs d’une politique : la prospective en examinant différents scénarios d’évolution peut directement contribuer à un travail d’évaluation ex ante et, de ce fait, aider à la définition d’objectifs tenant compte de leurs conséquences possibles en ouvrant des perspectives qui tranchent avec une approche tendancielle. En outre, par sa dimension exploratoire, la prospective permet d’ouvrir l’action publique à d’autres normes et objectifs que ceux qui font strictement l’objet de l’évaluation. Exercée en complément de la démarche évaluatrice, l’analyse prospective peut donc ouvrir à diverses formes d’innovations dans le design de l’action publique.
Bibliographie
Albarello, L., Aubin, D., Fallon, C., Van Haeperen, B. (2016). Penser l’évaluation des politiques publiques. De Boeck.
de Visscher, C., Schiffino, N., Albarello, L., Van Haeperen, B. (2018). Préparer l’évaluation des politiques publiques : exemples concrets. Dynamiques régionales n°6.
Fouquet, A. (2011). L’évaluation des politiques publiques en France. Définitions et historique. In Studer N. (dir.) Méthodes d’évaluation des politiques publiques. Actes du séminaire, Paris, INSEE. En ligne : http://www.epsilon.insee.fr/jspui/bitstream/1/14268/1/method_eval_polit_publiq.pdf
de Visscher, C. et Varone, F. (éd.) (2001). Evaluer les politiques publiques. Regards croisés sur la Belgique. Editions Academia-Bruylant.
Glenn, J. C. (2009) Futures Wheel, Futures Research Methodology Version 3. The Millennium Project. Washington, D.C.
Pour aller plus loin
A propos de l’évaluation ex ante : http://www.cedip.developpement-durable.gouv.fr/evaluation-ex-ante-a141.html
Présentation des différents types d’évaluation : https://www.eval.fr/quest-ce-que-levaluation/les-differents-types-devaluation/