L’usage de la voiture et la mobilité quotidienne des femmes : entre liberté, nécessité et contraintes

Décryptage N°6

La mobilité revêt une importance de plus en plus grande dans notre société car elle apparaît comme un droit essentiel au même titre que le « droit à la ville »[1] dont parlait Henri Lefebvre en 1968. Parce qu’elle constitue une ressource indispensable dans l’accès à une série de biens et de services, qu’elle permet à l’individu de faire partie intégrante de la collectivité, la mobilité devient un élément déterminant de l’insertion sociale des individus (Gibout, 2020). Il s’agit même d’un impératif dans nos sociétés contemporaines où les individus sont encouragés à être davantage mobiles et sont également évalués sur leur capacité à mieux se déplacer.

Sur le plan politique, on assiste à une prise de conscience de l’importance de la mobilité dans l’accès à l’emploi, en particulier pour le groupe des femmes. C’est dans ce contexte que s’inscrivent certaines mesures d’insertion dans l’emploi qui visent par exemple à faciliter l’obtention du permis de conduire afin d’augmenter la mobilité des personnes précarisées et/ou considérées comme peu mobiles.

L’étude de la mobilité à travers le prisme du genre montre que l’émancipation des femmes de la sphère domestique est également liée à la mobilité des femmes et leur accès à l’espace public (Perrot 1991). Dans les villes et régions qui ont réuni des données sur le sujet (Bruxelles, Genève, Wallonie…), il apparaît toutefois que la mobilité des femmes présente des formes distinctes de celle des hommes même si l’on observe des transformations importantes dans leurs déplacements quotidiens au cours de ces dernières années.

La perspective de genre articulée à la mobilité semble donc nécessaire pour identifier les différences de pratiques de mobilité entre les femmes et les hommes et relever les inégalités que ces différences reflètent (Coutras 1997).

Ce décryptage propose d’apporter des éléments de compréhension sur la mobilité différenciée des femmes et des hommes en vue de mieux articuler les politiques en matière d’emploi avec les questions de mobilité. A partir des données de l’enquête MOBWAL[2],  nous allons d’abord identifier les modes de déplacements des femmes et des hommes. Dans un second temps, c’est la question de l’accessibilité à la voiture qui sera analysée à partir d’un élément déterminant qui est la possession du permis de conduire. Dans cette section, nous verrons que toutes les femmes ne sont pas égales face à la mobilité et qu’il est, par conséquent, nécessaire de ne pas considérer les femmes comme un groupe homogène afin de ne pas renforcer des inégalités déjà présentes.

L’analyse des pratiques de mobilité des femmes et des hommes, mais également des motifs de déplacements nous permettra de répondre à une série de questions. Est-ce que les déplacements des femmes et des hommes présentent les mêmes caractéristiques ? Malgré les transformations importantes dans la mobilité des femmes et la bimotorisation de nombreux ménages, peut-on conclure que les femmes et les hommes sont égaux face à la mobilité ? Est-ce que la mobilité est synonyme de liberté, d’indépendance et d’autonomie pour les deux sexes ? L’utilisation de la voiture comme mode de transport privilégié offre-t-elle la même capacité aux femmes et aux hommes d’accéder aux services, aux activités présentes dans l’espace public ? Quels sont les effets de l’insécurité réelle ou perçue dans l’espace public sur la mobilité des femmes et des hommes ?


[1] Le droit à la ville fait référence à ce projet de la ville, imaginé par Henri Lefebvre comme un  espace social accessible à toutes et à tous, qui serait aménagé pour que l’homme puisse se le réapproprier. Le droit à la ville traduit ainsi le droit d’avoir accès à un espace urbain qui est conçu comme un lieu inclusif de participation à la vie sociale et d’expression démocratique de la société.

[2] L’enquête régionale de mobilité MOBWAL est une enquête sociologique réalisée par l’IWEPS auprès de 1303 Wallon·ne·s de 18 ans et plus résidant dans un ménage privé en 2017. Il s’agit d’une enquête en face à face (méthode CAPI – Computer Assisted Personal Interviewing) sur les stratégies/comportements de mobilité des Wallon·e·s. La Communauté germanophone n’est pas couverte par cette enquête. L’échantillon étudié dans le présent décryptage est composé de 1295 personnes (648 femmes et 647 hommes pour lesquels la situation socio-professionnelle est renseignée) sur 1303 répondant·e·s au total. Les résultats sont pondérés.

Langue : fr Format : A4 Nombre de page : 29