Qu’est-ce que la vision prospective ?
Dans sa dynamique exploratoire, une des étapes de la démarche prospective est la construction d’un futur souhaitable sur la base de l’identification de futurs possibles. C’est sur ce futur souhaitable que s’élaborera la vision prospective, qu’il s’agira de concrétiser et qui définira le périmètre dans lequel la stratégie d’action sera élaborée. Dans un exercice de prospective participative, cette vision est co-construite par les diverses parties prenantes et on parlera de vision commune ou partagée.
Sur le plan opérationnel, comme le proposent Destatte et Durance (2009 : 53), l’élaboration de la vision prospective s’appuie sur les enjeux identifiés et sur une consolidation de réponses à ces enjeux. Ce processus peut passer par des dispositifs participatifs (ateliers de prospective, tables rondes, forums citoyens …), de manière à « aborder chacun des enjeux identifiés sous la forme de questions appelant des réponses (…) structurées par rapport à un horizon temporel déterminé. Ces [réponses] peuvent être discuté[e]s collectivement de manière à en évaluer la pertinence et la faisabilité (…). La séquence de construction de la vision commune peut prendre plusieurs formes : une vision constituée de souhaitables identifiés collectivement, des scénarios présentant différents aspects de la situation du territoire, etc. ».
Vision prospective et scénarios ne doivent donc pas être confondus.
Les scénarios renvoient aux futurs possibles et visent à répondre à la question « que peut-il advenir ? ». Ils présentent, pour l’objet prospectif, des trajectoires et des « points d’arrivée » possibles à l’horizon temporel préalablement fixé. Cette présentation adopte le plus souvent la forme d’un récit. Par exemple, les évolutions du système énergétique régional au cours des trente prochaines années peuvent suivre différents cheminements et aboutir à différents états d’arrivée, qui constituent autant de scénarios.
La vision prospective, quant à elle, s’attache à répondre à la question « que voulons-nous ? ». Elle fait donc intervenir des choix et des préférences. Ainsi, par rapport aux différents futurs possibles du système énergétique régional identifiables, s’il s’agit de réfléchir en termes stratégiques, des choix d’orientation(s) devront être opérés : veut-on sortir du nucléaire ? le cas échéant, à quelle échéance ? désire-t-on la souveraineté énergétique régionale ? souhaite-t-on s’inscrire dans une logique de développement durable ? préfère-t-on une gestion privatisée du système ? etc…
En d’autre termes, la vision prospective renvoie aux « finalités et objectifs qui peuvent indiquer la direction à long terme et qui doivent guider la stratégie collective des décideurs politiques, des parties prenantes et des citoyens » (Durance et Destatte, 2009 : 53). Elle correspond à une image partagée et précisément décrite d’un futur souhaité par les parties prenantes qui présente, à la différence du scénario, un caractère à la fois normatif, programmatique et mobilisateur. Comme l’indique Godet (2007), elle intègre, le plus fréquemment, quatre composantes :
- les finalités : ce sont des objectifs généraux souhaitables et estimés réalisables à long terme. Elles sont déclinées en axes stratégiques qui structurent les actions à mettre en place pour concrétiser la vision prospective;
- des projets majeurs : ce sont les chantiers structurants et articulés entre eux à mener à bien dans ce cadre;
- un système de valeurs partagées par les parties prenantes : ces valeurs communes permettent à ces dernières de dépasser leurs différences afin d’œuvrer collectivement à la réalisation de la vision prospective et de travailler ensemble aux axes stratégiques;
- une volonté collective d’atteindre les objectifs : cette volonté conditionne la cohésion des parties prenantes et exprime leur résolution à s’investir dans la concrétisation d’un futur commun. Cette volonté collective ne peut émerger que si les parties prenantes trouvent leur place dans la vision. L’élaboration d’une vision prospective suppose donc la bonne identification et l’intégration des différentes parties prenantes dans la démarche.
Bibliographie
Destatte, P. et Durance, P. (2009). Les mots-clés de la prospective territoriale. La Documentation française.
Godet, M. (2007). Manuel de prospective stratégique – Tome 2. L’art et la méthode. Dunod.
Lugan, J-C. (2006). Lexique de systémique et de prospective. Conseil Economique et Social Midi-Pyrénées.
URL : http://www.intelliterwal.net/Glossaire/LUGAN_Jean-Claude_Lexique-Prospective_CESR-Midi-Pyrenees-2006.pdf
Pour aller plus loin
Aboudabra-Pauly, S. et Brochier, D. (2018). Construire une vision prospective partagée des emplois et des compétences. Les apports méthodologiques d’une expérimentation. Rapport du Réseau Emplois Compétences. France Stratégie et Céreq.
URL : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-2018-vppec-apports-m_ethodo-25septembre_final_web.pdf
de Brabandère, L. et Mikolajczak, A. (2008). Il sera une fois… la prospective stratégique. L’Expansion Management Review, 2008/1 (n°128), pages 32-43.
URL : https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2008-1-page-32.htm
Godet, M. et Durance, P. (2011). La prospective stratégique pour les entreprises et les territoires. Dunod.