Quels sont les ingrédients indispensables pour mener à bien une démarche prospective ?
Il faut tout d’abord souligner qu’il n’y a pas de recette établie qui garantit le succès d’une telle démarche. Un certain nombre d’ingrédients sont cependant nécessaires pour mettre toutes les chances de réussite de son côté.
Tout d’abord, il convient de bien évaluer de l’intérêt du questionnement prospectif. De fait, dans certains cas, il ne sera guère utile ou pertinent d’engager un travail prospectif. Autant se poser la question avant d’entamer celui-ci afin d’éviter toute perte de temps.
Ensuite, si on est bien à la poursuite d’un ou de plusieurs des objectifs de la prospective, il faut s’assurer que la démarche envisagée est à même de bien combiner les éléments suivants.
(1) Dans la mesure où la prospective suppose l’adoption d’une attitude particulière, qui renvoie, notamment, à une vision élargie de la réalité, la démarche doit pouvoir s’appuyer sur une grande pluralité d’expertises et d’expériences du système analysé. D’une part, la bonne réalisation du travail prospectif nécessite l’apport d’expertises issues de diverses disciplines scientifiques et techniques. D’autre part, la démarche doit également pouvoir se nourrir de l’expertise des parties-prenantes. Celle-ci est très importante non seulement parce qu’elle assure le bon encastrement des résultats de la démarche dans la réalité du système particulier étudié mais également parce qu’elle contribue à l’encapacitation de ces acteurs, à leur adhésion au projet et à la co-construction de la grille de lecture de ce système et, finalement, de la vision prospective.
(2) Dans le cadre de cette attitude, il convient aussi de fixer un horizon d’anticipation suffisamment lointain et ne pas s’enfermer dans une approche court-termiste.
(3) De même, il faut pouvoir s’affranchir des contraintes et des contingences de l’urgence.
(4) La prospective questionne les idées reçues et envisage l’avenir comme ouvert. Liberté de penser, créativité, imagination, esprit critique et non-conformisme sont donc indispensables à la réussite de la démarche.
Sur le plan opérationnel, la réussite de la démarche sera liée à un ensemble de conditions.
(1) Tout d’abord, il s’agira de bien délimiter la question prospective et de bien préciser les objectifs du projet, notamment en termes de type de prospective.
(2) Il conviendra également d’établir un plan de travail précis et réaliste en fonction des délais impartis et des ressources humaines et matérielles disponibles.
(3) Une démarche de qualité s’inscrira dans le respect de la spécificité du système analysé. Si la comparaison avec des systèmes similaires, par exemple à l’étranger, peut constituer une source d’inspiration intéressante, on se refusera à limiter l’analyse à une simple translation des résultats de démarches prospectives menées dans d’autres contextes car celles-ci n’ont pas été conçues et déployées en tenant compte des caractéristiques particulières du système examiné ni en mobilisant propres parties-prenantes de celui-ci.
(4) La récolte de données pertinentes pour la démarche et leur traitement devront être conçus et menés en respectant les critères scientifiques, qu’il s’agisse de données primaires (c’est-à-dire de données originales produites spécifiquement dans le cadre du projet) ou de données secondaires (c’est-à-dire préexistantes à celui-ci). Ces différentes données seront nécessaires pour, notamment, comprendre la situation et la dynamique du système et pour réfléchir aux hypothèses d’évolution de cette dernière. Elles permettront, entre autres, de réaliser l’analyse rétrospective du système et d’alimenter les fiches-variables qui constituent la base prospective.
(5) L’équipe chargée de la réalisation du projet prospectif devra se familiariser aux méthodes de recherche, principalement qualitatives, des sciences humaines, dans la mesure où elle sera amenée à appliquer avec pertinence et discernement une diversité de techniques et d’outils développés par ces disciplines.
(6) Outre les compétences analytiques, l’équipe devra également faire montre de compétences sur la plan de la communication afin d’assurer une bonne appropriation des résultats de la démarche par les parties prenantes. Pour ce faire, elle pourra, si les moyens le permettent, faire appel à des spécialistes en la matière (illustrateurs, réalisateurs, auteurs…)
Bibliographie
Berger, G. (1958). L’attitude prospective. Prospective, n°1, mai.
Berger, G., de Bourbon-Busset, J. et Massé, P. (2007). De la Prospective. Textes fondamentaux de la prospective française, textes réunis et présentés par Durance P. L’Harmattan.
Durance, P. (dir.) (2014). La prospective stratégique en action. Odile Jacob.
Goux-Baudiment, F. (2014). De l’attitude à l’action prospective?: une métaméthode. In Guyot J.-L. et Brunet S. (éd.), Construire les Futurs – Contributions épistémologiques et méthodologiques à la démarche prospective. Presses Universitaires de Namur, juin 2014, pages 93-148.